COGNER UN PAPE ET UN BOCHE, CA C'EST PROGRESSISTE ! (AINSI RIT SOPHIA ARAM)

Claude Askolovitch marianne.fr

"Donc, Benoit XVI démissionne et tout ceci remue des vagues et des vagues encore et au bout du bout de la vaguelette, Sophia Aram, humoriste officielle de France Inter le matin, en fait un twit, autant dire rien, qui dit ceci: "Benoît XVI démissionne pile le jour de la saint Adolf... #JDCJDR" Pour les non-initiés, JDCJDR est l'acronyme de "je dis ça je dis rien" qui souligne la pertinence du propos, comme un applause enregistré. Ensuite ça buzze et ça plait (c’est retwitté) et un curé twittos n'est pas content et interpelle Sophia, et Sophia bat en retraite et dit, "Mea maxima culpa, ma source n'était pas fiable. Je fais mes 30 ave et 12 pater et je reviens" (il semblerait que nous ne sommes pas la Saint-Adolphe c'est en mai).
On s’en fout donc? Oui mais non. On s’en fout comme de la quasi totalité de ce que twitter véhicule (la quasi, pas la totalité) mais ce rien signifie quelque chose, il est une quintessence: ainsi dénigrent, bachent, tapent, méprisent, les progressistes (et j’en suis, sans doute), quand ils pensent la cible bonne. Un pape, allez, rions, et un allemand, allez donc, un boche donc, forcément Adolf, pas vrai, mouuuuuarf, le boche, hein, Hitler du Vatican, mouuuaaarrrrf! Et quand on a tort, remettons-en une couche, foutons-nous de la confession et des prières catho, allez, le pater et l’ave, oui? Il manque juste l’allusion pédophile, on les connait les curetons, et on aura la panoplie.
Ce ne serait pas Sophia Aram, femme intelligente et justement appréciée, disposant d’un magistère au coeur de la France correcte -Inter le matin, j’en insiste- cela serait juste un rot au bistro. Mais justement, Sophia (que j’aime bien, vraiment) n’est pas du style à déconner au bistro, et sait dénoncer justement la vulgarité chez l’ennemi -chez le Le Pen, les Morano, et son public s’en enchante sans doute, et si j’écoutais, je pourrais parfois en être. Par quelle alchimie devient-elle ainsi ce qu’elle réprouve, une éructeuse? Parce que le Pape? Parce que le boche? Par l’habitude? Parce que c’est tellement français, tellement 3e République pré-14, cogner à la fois l’Allemand et le Curé? Parce que l’Eglise, depuis les manifs anti-mariage, gay s’est mise en situation d’être une cible des progressistes, que le corbeau réac est revenu dans l’imaginaire du camp du bien?
Je suis de ceux que l’église navre quand elle se vautre dans les manifs de Frigide Barjot, et ferme partisan du mariage pour tous, et émarge donc à cette famille du progrès dont Sophia est une porte-parole matudinale - mais je ne marche pas, ici, dans cette invite au rire paresseux. Ce ne sont pas seulement nos opinions qui nous rendent estimables, c’est aussi notre faculté à nous empêcher."