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Ca va mieux en le disant !
6 février 2013

MARIAGE POUR TOUS : TAUBIRA FACE A LA HAINE TRANQUILLE


Joseph Macé-Scaron - Marianne.fr

"Il est sans doute encore trop tôt pour tirer des leçons des débats – puisqu’il y a eu non pas UN débat, mais cent, mille débats depuis cinq mois – sur le mariage pour tous. Relevons quand même deux ou trois lignes de force.
 
La gauche en général et le parti socialiste en particulier, ont trouvé en Christiane Taubira une raison de ne pas désespérer. La ministre de la Justice, brocardée dès sa nomination par une poignée d’éditorialistes revenus de tout sans être allés nulle part, conspuée lors des séances de questions au gouvernement aux cris de « démission », « démission », vilipendée pour son « laxisme », a rendu une fierté – le mot a été employé à juste titre par Nicolas Domenach dans Marianne – à des responsables politiques désemparés, désarçonnés, désorientés par les palinodies de l’exécutif.
 
Christiane Taubira, nouvelle icône ou « rock star » de la gauche, comme le confiait, avant-hier, un élu du PS à Libération ? Sans doute. Et ce, pas simplement parce que son discours qui présentait le texte de loi a été un parcours sans faute, mais parce qu’il faut l’avoir écoutée, jusqu’au bout de la nuit, ferraillant sans relâche contre les députés de l’opposition. Maniant tantôt l’ironie, tantôt la colère feinte sans jamais se départir d’une autorité sereine. Son calme déclenchant les passions et les outrances sur les bancs de l’UMP. Toujours précise, toujours réactive, toujours incisive. Nous sommes bien ici à des années-lumière de ces ministres agités (e) s, engagé (e) s pour un casting de cinq ans par Nicolas Sarkozy.

Tout à coup, est revenue à travers cette voix assurée, la politique, la vraie, celle qui nous rappelle la noblesse du débat et de la confrontation démocratiques. Oh, on ne parle pas encore à son propos de Simone Veil ou de Robert Badinter. Sans doute parce qu’il est, encore une fois, trop tôt pour en juger, sans doute aussi parce qu’aux yeux de ces mêmes éditorialistes – pourquoi tourner autour du pot ? – la cause défendue ici apparaissait moins « noble », comme si l’on avait fini par avaler la fable d’une revendication de bobos, d’un caprice sociétal alors même que le droit de s’unir et de fonder une famille apparaît, aujourd’hui, à travers la grande crise économique comme la première des protections sociales contre la précarité.
 
Depuis qu’elle est entrée en politique, il faut bien dire que Taubira se moque des préjugés qu’elle a dû souvent affronter. Elle a vu les trahisons et les retournements. Elle a vu aussi ceux dont on louait les talents vider les étriers comme ce Laurent Wauquiez qui a cru utile de se convertir à la Vierge de fer en même temps qu’il héritait de la circonscription de Jacques Barrot. Parce que ce sont de ces rangs-là que sont venus les coups les plus inattendus. Que Christine Boutin dans son outrance vaticane prédise que ce texte va « supprimer toute humanité de l’Homme » et que la France cessera d’être « la patrie des Droits de l’Homme » ; que le copéiste Élie Aboud se permette de faire de l’humour sur le « triangle rose » qui serait « un triangle noir » ; que des parlementaires de l’UMP signent des amendements associant la question du mariage pour tous à l’inceste ou à la polygamie… Tout cela est, hélas, tristement attendu. La droite française a préféré se choisir pour modèle les droites latines (espagnole, italienne) plutôt que les conservateurs anglais ou allemands. Passons. À peine devrait-on leur rappeler que leurs « plaisanteries » de collégiens prépubères sont, aujourd’hui, regardées par toute la France, via internet et qu’ils ne cessent d’alimenter par leurs propos le réveil de l’homophobie.
 
Oui, tout cela était attendu. Ce qui l’était moins était de voir un Alain Juppé reprendre à son compte sur son blog les intox de Frigide Barjot, la « meilleure » d’entre eux. Ce qui l’était moins c’était d’entendre François Fillon parler de régression de la conscience humaine et de promettre que la droite revenant au pouvoir reviendrait sur cette loi. Une totale ineptie. Depuis des mois, Taubira encaisse non seulement les injures, mais cette haine tranquille qui se glisse pour murmurer aux oreilles de ceux qui font l’opinion : « Voyez comme cette loi est inutile » (c’est bien pour cette raison qu’ils ont réclamé un référendum), « Voyez comme il est urgent de s’occuper plutôt des affaires du pays » (c’est bien pour cette raison qu’ils ont déposé 5300 amendements)…
 
Il faut, en effet, bien du caractère et un certain tempérament pour ne pas céder aux nouveaux sophistes. Christiane Taubira n’en manque pas. Y compris quand les voix de son propre camp se font plus discrètes. Mais c’est là une leçon, que l’on tient cette fois de Port-Royal : quand les évêques ont le courage de femmes, les femmes doivent avoir des courages d’évêques."

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