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Ca va mieux en le disant !
20 novembre 2012

DES CHERCHEURS EXPLORENT LA JUNGLE MICROBIENNE DU NOMBRIL

"Passeurs de sciences" le blog de Pierre Barthélemy, journaliste scientifique sur passeurdescience.blog.lemonde.fr

"C'est une planète qui compte au bas mot mille milliards d'habitants. Une planète méconnue avec ses reliefs, ses zones sèches et ses zones humides, des régions qui ne voient jamais le jour et d'autres exposées aux quatre vents. Une planète d'environ 1,8 mètre carré à la surface de chaque être humain : sa peau. Ses habitants, vous l'aurez deviné, sont invisibles à l'œil nu puisqu'il s'agit de bactéries, de champignons microscopiques et de virus, qui  colonisent ce que nous n'avons pas tendance à considérer comme un univers peuplé mais qui en est pourtant un. On connaît l'expression "flore intestinale" pour désigner le monde microbien de notre système digestif, peut-être va-t-il falloir s'habituer à celle de "jungle épidermique"...

"Jungle", c'est le mot qu'a en effet retenu une équipe américaine, dans une étude parue le 7 novembre dans PLoS ONE, pour décrire un habitat très particulier de la surface de notre corps, une petite grotte présente sur chacun de nous : le nombril. Plusieurs avantages s'offrent à qui veut l'étudier. Tout d'abord, à l'exception d'Adam et Eve, tous les êtres humains en sont pourvus. Ensuite, expliquent les auteurs de cet article, "c'est un environnement qui, en termes de morphologie, varie relativement peu d'un individu à l'autre". Surtout, ajoutent-ils, il est en général exempté d'un récurage quotidien et "il est susceptible de pouvoir héberger une communauté bactérienne peu perturbée si on la compare à celle des parties du corps fréquemment exposées et lavées comme les mains".

Pour ces biologistes, le nombril fait donc partie de ces mondes à la fois proches de nous, préservés et peu explorés. On sait par exemple peu de choses sur la biodiversité qu'il accueille et la manière dont celle-ci se structure, si chacun d'entre nous est un monde à part ou bien si nous portons tous les mêmes microorganismes bien adaptés au milieu. Ces chercheurs américains ont donc lancé plusieurs appels à la population : laissez-nous fouiller la jungle de votre ombilic ! Armés de cotons-tiges, ils ont ainsi écouvillonné le nombril de quelque 500 volontaires mais l'étude en question ne présente que les premiers résultats, obtenus sur deux échantillons de 35 et 25 personnes lors de manifestations scientifiques qui se sont tenues en janvier et février 2011.

Au total, sur ces 60 individus, ce sont plus de 2 300 espèces différentes de bactéries qui ont été identifiées ! Le sujet moins doté en avait 29 et le plus équipé 107. Une belle biodiversité, donc. La plupart des espèces n'ont été retrouvées que chez une seule personne. Ce qui n'empêchait pas pour autant 8 espèces d'être présentes chez plus de 70 % des volontaires et de rassembler à elles seules près de la moitié des bactéries décomptées. Ces espèces dominantes ont été qualifiées d'"oligarques" par les auteurs de l'étude, une formulation reprise aux spécialistes des forêts tropicales, qui regroupent sous cette appellation les espèces végétales les plus fréquentes sur le terrain.

Il n'y a pas eu de grande surprise dans l'identification des oligarques (dont une galerie de portraits en boîtes de Petri est visible ici), car ils appartenaient à des genres bien connus des spécialistes de la peau : staphylocoques, Bacillus, Micrococcus... Leur présence abondante pourrait effrayer les obsédés de l'hygiène mais, en la matière, la plupart de ces bactéries sont inoffensives et certaines, qui vivent en symbiose avec nous, ont un rôle positif et participent au bon état de la peau, en la nettoyant de ses débris mais aussi... en combattant d'autres bactéries moins amicales. Selon une étude récente, elles semblent même participer à la régulation des cellules du système immunitaire local.

Si la présence de ces bactéries était prévisible, les biologistes ont en revanche été étonnés de mettre la main sur quelques archées, des microorganismes appartenant à une autre branche du vivant que les bactéries. Certains spécimens se retrouvent souvent dans des environnements dits extrêmes et on n'en avait jusqu'ici jamais détecté sur la peau d'un humain. Il faut toutefois préciser que deux des trois espèces d'archées avaient élu domicile dans le nombril d'un individu qui se targuait de "ne pas s'être douché ni lavé depuis plusieurs années", précise l'étude. Dans ces conditions, on est en droit de se demander si le nombril ne peut pas être considéré comme un environnement extrême... Comme l'a fait remarquer non sans humour un des auteurs de l'article, Rob Dunn, biologiste à l'université d'Etat de Caroline du Nord, "historiquement parlant, personne ne se lavait très souvent. Ce gars-là pourrait être bien plus représentatif que la plupart des gens de ce qu'ont été nos corps pendant des milliers voire des millions d'années. Cela ne signifie pas pour autant que j'encourage tout le monde à ne plus se laver."

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