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Ca va mieux en le disant !
8 octobre 2012

TRAITE EUROPEEN : IL FAUT LE RATIFIER, L'AUSTERITE N'EST PAS LA CAUSE DE LA CRISE


Par Daniel Cohn-Bendit sur lemonde.fr
 
"On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en dénonçant à tous vents "austérité, austérité, austérité", la réalité de la récession s’impose à tous. Les quelques poches d’optimisme économique qui subsistent encore comme en Pologne ne peuvent pas compenser l’angoissant spectacle du naufrage des économies européennes dans le chômage, la pauvreté et la désespérance. Nous ne sommes pas aveugles à la souffrance de populations méditerranéennes à qui seuls les mensonges de l’extrême-droite ou les fantasmes de la gauche populiste viennent en réconfort.
Nous ne sommes pas incapables de prendre la mesure de cette nouvelle question sociale, confits dans l’eurobéatitude de notre bulle bruxelloise. Que n’a-t-on entendu dans ce débat sur le fameux "traité austéritaire" Merkozy, sur le carcan imposé aux peuples innocents par Goldman Sachs et les élites de l’Europe bien nourrie. Évidemment, tout débat comporte sa part de polémiques – mais quand on en arrive à suggérer que ratifier ce texte, c’est renforcer directement le mouvement néo-fasciste de l’Aube Dorée en Grèce, il me semble que le point Godwin est atteint. Alors remettons ce texte à sa modeste place.
Une grande économie fermée et puissante
Ni le traité ni l’austérité ne sont les causes de la crise. Non signataire, la Grande-Bretagne n’est pas épargnée par l’austérité. Est-ce l’euro ? La Hongrie est en crise, sans appartenir à la zone euro. Est-ce le manque de compétitivité des économies européennes ? Non, même l’Allemagne est atteinte, entre un modèle de développement qui repose sur de profondes inégalités économiques et la menace aujourd'hui de l’atonie de la consommation des autres économies européennes dont elle dépend.
Au cœur de la tourmente économique et financière, venue aggraver la dramatique dégradation climatique et environnementale, la crise de nos dettes souveraines est en fait une crise des "spreads". C’est-à-dire des écarts de crédibilité entre les différents États de la zone euro quand ils empruntent de l’argent sur les marchés. Sous d’autres cieux, cela reviendrait à dire qu'un dollar de la Californie surendettée a moins de valeur qu'un dollar du Texas où les comptes sont quasiment à l’équilibre.
Voilà la cause majeure de cette crise : l’incapacité des États européens à se penser comme une économie solidaire et unique. Éditorialiste au très peu gauchiste "Financial Times", Wolfgang Munchau ne cesse de le répéter : les États membres de l’UE se comportent comme s’ils étaient de petites économies ouvertes en concurrence les unes avec les autres, alors qu'ils forment, au moins pour le cœur de la zone euro, une grande économie fermée – et puissante.
L'interdépendance des économies européennes
Cette crise, c’est l’addition des petits égoïsmes économiques, le refus souverainiste de politiques économiques coordonnées, la concurrence fiscale irlandaise, néerlandaise ou balte, la désinflation compétitive allemande, les politiques budgétaires laxistes française ou portugaise, la corruption de l’État grec, le crédit facile espagnol… C’est le refus d’admettre l’interdépendance entre les économies et les sociétés européennes.
Dès lors, ratifier le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance économique n’est pas seulement une question de cohérence gouvernementale (puisqu'on votera le budget d’austérité) ou écologiste (refus des dettes qui hypothèquent notre futur), c’est surtout une question de choix européen.
Il s’agit d’abord de garder tout le monde à bord. Ce texte a été négocié principalement pour pacifier les opinions publiques des principaux pays contributeurs de la zone euro.
Ensuite, il s’agit de dépasser nos limites politiques nationales : en faisant de la Commission européenne le lieu de convergence des politiques économiques des États membres, le Traité représente une européanisation des choix nationaux et un pas vers la supranationalité budgétaire. Il s’agit de ne plus faire n'importe quoi sans avoir à se justifier auprès de ses partenaires. Bien sûr, je n’ai aucune illusion sur l’idéologie de cette Commission.1488_file_kroll
J’ai eu maintes fois l’occasion de dénoncer les "taliban néolibéraux" qui inspirent l’action de la Troika à Athènes et encombrent les bureaux de Bruxelles. Mais il faut bien commencer quelque part. En Europe, ce sont les politiques qui font les textes et non le contraire : accroître les pouvoirs de la Commission, c’est accentuer sa politisation ; c’est à terme forcer sa responsabilisation complète devant le Parlement européen. C’est mettre en branle la prochaine étape de la démocratisation des politiques européennes.
La politique européenne au-delà de la politique nationale
On ne fait pas de politique sur des certitudes, mais sur des choix. Contrairement aux Zarathoustra professionnels qui ont toutes les solutions pour sortir la Grèce, et l’Europe, de l’impasse, je n’ai aucune certitude. Mais je fais un choix : celui de la politique européenne au-delà de la politique nationale.
En plus d'un demi-siècle de cheminement vers son intégration politique, le rythme de la construction d'une Europe politique tient plus de la succession chaotique de passages périlleux que du long fleuve tranquille. L'Europe ne s'est construite que dans la succession de résolutions de crises. Malgré les lenteurs, les atermoiements, les réticences et les esquives des dirigeants de la zone euro ou de la Commission européenne dans leurs réactions à la tempête déclenchée en 2008 par la faillite de Lehman Brothers, on a rarement autant avancé autant que pendant cette crise.
Chaque texte majeur de chaque politique commune, chaque nouvelle étape dans le transfert de souveraineté vers ses institutions supranationales répond, laborieusement et douloureusement, à une situation de crise. Malgré tous ses défauts, que j’ai eu l’occasion de dénoncer par ailleurs, le TSCG n'échappe pas à cette règle.
Certes, il ne répond pas à la crise économique puisqu’il ne parle que de discipline budgétaire. Mais il répond à une question fondamentale : pourquoi la solidarité ? Non plus au nom de valeurs européennes abstraites, mais au nom de la convergence très concrète et de la nécessaire convergence entre nos économies. Ce n’est qu’une première étape. À nous de faire en sorte que ce n’en soit pas la dernière.
Relance, investissement, harmonisation fiscale, solidarité, transferts… Tout cela dépend d’avoir à Bruxelles et Strabsourg une autre majorité. Une majorité progressiste, allant du centre démocrate à la gauche radicale, articulée sur la force des propositions écologistes… Mais n’est-ce pas à cela que servent les élections européennes ? Il est temps de sortir de l’hexagone et de faire de la politique européenne. Françaises, Français, rendez-vous en 2014 !"

 


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