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19 décembre 2011

LE PRECIEUX HERITAGE DE VACLAV HAVEL


LEMONDE.FR - article de Sylvie Kauffmann

"L'artisan de la "Révolution de velours" anticommuniste de 1989 et chef de l'Etat tchécoslovaque puis tchèque de 1989 à 2003 s'est éteint à l'âge de 75 ans, affaibli par une infection pulmonaire.

Jusqu'au dernier moment, Vaclav Havel sera resté, dans l'âme, un dissident. Ces deniers jours, amaigri et affaibli par la maladie, il a trouvé la force de se lever pour rencontrer le dalaï lama, de passage à Prague. Il a encore signé une pétition demandant à l'opposition russe de s'unir contre les manipulations du régime de Vladimir Poutine, après les élections mouvementées du 4 décembre.

Vaclav Havel, qui s'est éteint dimanche 18 décembre à 75 ans, ne se trompait pas d'ennemi. Avec courage et obstination, il n'a jamais cessé de combattre le totalitarisme, de gauche ou de droite, n'a jamais marchandé son soutien à tous ceux qui s'engageaient contre la dictature, l'autoritarisme, ou l'obscurantisme, même loin, très loin de chez lui.

Homme de lettres et de théâtre devenu président, celui qui a conduit son pays vers la démocratie à travers une "révolution de velours" était devenu la figure la plus forte de la génération de dissidents qui a fait tomber le communisme en Europe centrale en 1989. Sa disparition, vingt ans tout juste après l'effondrement de l'Union soviétique, au terme d'une année qui a vu tant de soulèvements populaires dans d'autres parties du monde, et au moment où l'Europe se débat dans une crise existentielle, rappelle à quel point l'audace et la vision de quelques individus peuvent, parfois, bouger des montagnes. Et souligne cruellement à quel point l'absence de ces aventuriers de la démocratie, visionnaires humanistes, ouverts et éclairés, nous pénalise aujourd'hui.

ACTIVISME ET SÉJOURS EN PRISON

La mainmise communiste sur la Tchécoslovaquie puis l'intervention soviétique en 1968, pour écraser le printemps de Prague, avaient révolté Vaclav Havel. Cette révolte, d'abord canalisée dans ses pièces de théâtre, avait mûri jusqu'à 1977, lorsqu'il créa, avec une poignée d'autres dissidents, la Charte 77.

Dans les années qui suivirent, de rencontres clandestines en échanges parfois favorisés par des amis occidentaux, le lien se fit avec d'autres combattants de la liberté du bloc de l'est, les Michnik et Kuron de Solidarnosc en Pologne, les Sakharov d'URSS, les amis hongrois plus fortunés car un peu moins durement réprimés. Internet et Facebook n'existaient pas, la police politique exerçait une surveillance de chaque instant et les contacts étaient risqués - ils payèrent tous leur activisme de séjours en prison.

Havel, dans les années 1980, ne se déplaçait pas sans sa brosse à dents parce que, racontait-il de sa voix rauque, il ne savait jamais s'il dormirait chez lui ou en prison.

Mais c'est ce corps de résistants, solidement ancrés dans l'idée démocratique, qui a permis à l'Europe de l'est, une fois libérée, d'opérer une transition ordonnée et pacifique vers l'économie de marché et la démocratie. Lorsque les régimes communistes et pro-soviétiques se sont effondrés, la relève était prête, les objectifs établis. Dignement.

LES HÉRITIERS DE LA GÉNÉRATION HAVEL SE FONT ATTENDRE

Aux dizaines de milliers de Tchécoslovaques venus l'acclamer dans le froid glacial de décembre 1989, place Wenceslas à Prague, Vaclav Havel criait "Nous ne sommes pas comme eux !" : sa stratégie à lui, c'était "le pouvoir des sans pouvoirs", la résistance non violente et le refus des règlements de compte. Bien des protagonistes du printemps arabe d'aujourd'hui auraient rêvé de leaders pareils.

Esprit libre, vif et subtil, Vaclav Havel était aussi un grand européen. Pas une crise européenne, du drame yougoslave aux douleurs de croissance de l'Union européenne, ne l'a laissé indifférent : il a été de tous les combats, moraux et politiques. Après avoir joué un rôle essentiel dans la réunification de l'Europe divisée par la guerre froide, il s'est battu pour faire intégrer la République tchèque dans la famille européenne, au moment où celle-ci se serait volontiers contentée de lui offrir un strapontin.

Ses successeurs ne lui en ont guère été reconnaissants : les dirigeants tchèques actuels ne brillent pas par l'ardeur de leur défense de l'idée européenne. Un peu partout en Europe, les héritiers de la génération Havel se font attendre. Ses valeurs, sa vision et son ouverture d'esprit sont pourtant plus nécessaires que jamais."


Sylvie Kauffmann

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