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Ca va mieux en le disant !
29 décembre 2010

LE TEMPS DE CERVEAUX HUMAIN DISPONIBLE

Je viens de terminer la lecture d’un opuscule intitulé « Sur la télévision » de Pierre Bourdieu.

Décapant pour tout un chacun qui lave peu ou prou son cerveau avec la télévision.

Il s’agit de la transcription de l’enregistrement de deux émissions réalisées en 1996 par Pierre Bourdieu dans le cadre d’un cours au collège de France. Il y dénonce les mécanismes de la censure invisible qui s’exerce dans les « étranges lucarnes » et décrypte la fabrication de ces « artefacts  que sont les images et les discours de télévision ».

Extraits.

Une censure invisible :

« Cette censure qui s’exerce sur les invités, mais aussi sur les journalistes qui contribuent à la faire peser, on s’attend à ce que je dise qu’elle est politique. Il est vrai qu’il y a des interventions politiques, un contrôle politique (qui s’exerce notamment au travers des nominations aux postes dirigeants) ; il est vrai aussi et surtout que dans une période où, comme aujourd’hui, il y a une armée de réserve et une très grande précarité de l’emploi dans les professions de la télévision et de la radio, la propension au conformisme politique est plus grande. Les gens se conforment par une forme consciente ou inconsciente d’autocensure, sans qu’il soit besoin de faire des rappels à l’ordre ».

Les faits « omnibus » :

« Les prestidigitateurs ont un principe élémentaire qui consiste à attirer l'attention sur autre chose que ce qu'ils font. Une part de l'action symbolique de la télévision, au niveau des informations par exemple, consiste à attirer l'attention sur des faits qui sont de nature à intéresser tout le monde, dont on peut dire qu'ils sont omnibus – c'est-à-dire pour tout le monde. Les faits omnibus sont des faits qui, comme on dit, ne doivent choquer personne, qui sont sans enjeu, qui ne divisent pas, qui font le consensus, qui intéressent tout le monde mais sur un mode tel qu'ils ne touchent à rien d'important. Le fait divers, c'est cette sorte de denrée élémentaire, rudimentaire, de l'information qui est très importante parce qu'elle intéresse tout le monde sans tirer à conséquence et qu'elle prend du temps, du temps qui pourrait être employé pour dire autre chose.

Or le temps est une denrée extrêmement rare à la télévision. Et si l'on emploie des minutes si précieuses pour dire des choses si futiles, c'est que ces choses si futiles sont en fait très importantes dans la mesure où elles cachent des choses précieuses. Si j'insiste sur ce point, c'est qu'on sait par ailleurs qu'il y a une proportion très importante de gens qui ne lisent aucun quotidien ; qui sont voués corps et âme à la télévision comme source unique d'informations. La télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d'une partie très importante de la population. Or, en mettant l'accent sur les faits divers, en remplissant ce temps rare avec du vide, du rien ou du presque rien, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques ».

Des « animateurs » orientés :

Arlette Chabot par exemple ne questionne pas de la même façon un membre du gouvernement voire Nicolas Sarkozy et tout autre homme ou femme politique (sourires ironiques, main systématiquement tendue pour couper la parole ou inciter à abréger le propos, mimiques de désapprobations etc…). Un peu comme ces arbitres de rugby qui consciemment ou pas n’arbitrent pas de la même façon une équipe huppée ou une équipe de fond de tableau. Ils oublient parfois les fautes des uns mais sont intransigeants avec celles des autres.

Que dit Pierre Bourdieu ?

« Le présentateur distribue les temps de parole, il distribue le ton de parole, respectueux ou dédaigneux, attentionné ou impatient…dans les entretiens que nous faisons, nous savons qu’il est très important de renvoyer aux gens des signes d’acquiescement, des signes d’intérêt, sinon ils se découragent et peu à peu la parole tombe : ils attendent de toutes petites choses…des petits signes d’intelligence comme on dit. Ces signes imperceptibles, le présentateur les manipule, de manière plus in consciente, le plus souvent, que consciente… autre stratégie du présentateur : il manipule l’urgence ; il se sert du temps, de l’urgence, de l’horloge, pour couper la parole, pour presser, pour interrompre ».

Lecture indispensable pour ne pas mourir idiot devant sa télévision et conserver quelques neurones fraîches :

« Sur la télévision » de Pierre Bourdieu aux éditions «  Raisons d’agir ».

P1030488

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