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Ca va mieux en le disant !
4 novembre 2010

SARKOZY, AUBRY, DSK ET SI 2012 ETAIT UN MISTIGRI ?

Philippe Cohen - Marianne | Mercredi 3 Novembre 2010

"Seuls les candidats qui n'ont aucune chance d'être élu manifestent puissamment leur désir de gouverner. En y réfléchissant bien, ce paradoxe est parfaitement logique.

Le système médiatique raffole des matchs. Et celui qui se profile entre Dominique Strauss-Kahn et Nicolas Sarkozy est de ceux qui passionneront, soyons-en sûrs, les éditocrates de tous bords toujours à la recherche de combattants pour enfiler les gants de boxe rouges qui conviennent aux joutes télévisuelles. Ainsi Laurent Bazin de RTL a-t-il astucieusement mis en scène « le combat de mamouths  » que nous nous préparerions à vivre sur la scène internationale : DSK le chef du FMI contre Sarko le chef du G20. Au passage, le journaliste note que c'est dans les séquences de politique internationale que le Président de

la République

regagne de la popularité, grâce à son volontarisme, qui diviserait les Français à l'intérieur et les rassemblerait dans le tohu-bohu mondial.

Pourtant, une sensation étrange submerge l’observateur politique plus nonchalant et détaché des obligations de réserve médiatique. Cette sensation étrange pourrait se résumer en une phrase : les seuls candidats qui semblent réellement désireux de l’emporter sont ceux qui n’ont que très peu de chances de victoire en 2012.

Qui a envie ou, en tout cas, le montre ?
Jean-François Copé, mais officiellement il est partant en 2017.
Jean-Luc Mélenchon. Mais on ne l’imagine pas au second tour.
Marine Le Pen. Mais elle seule croit à son 2002 inversé.
François Bayrou. Mais il s’est mis tout seul dans le corner de

la République.
Ségolène Royal.

Mais seul François Mitterrand a su dépasser le sentiment de « déjà vu » (à la télé) des électeurs.
François Hollande. Mais il a si peu de chances...
Manuel Vals. Mais on sent bien qu'il doit passer par la case ministère. Etc. Etc.

En revanche, le désir de gagner ne se lit pas spontanément parmi les candidats dits « sérieux » (mais qui sont tout aussi putatifs que sérieux).
 
Le cas de Dominique Strauss-Kahn est emblématique. A-t-on jamais vu, depuis Jacques Delors en 1994 (dont François Mitterrand dit un jour qu'il « souhaitait être nommé à l'Elysée »...), un candidat faire sa coquette avec des sondages lui donnant près de 60% des voix au second tour ? Que faut-il à DSK pour manifester son ambition présidentielle autrement qu'en entamant un régime d'amaigrissement ? Un vote à 100% du congrès du PS ? Un engagement écrit des officines sarkozystes de ne pas utiliser sa vie privée pour le combattre ?

Pour expliquer le peu d'empressement de DSK, les « deskistes » multiplient les spéculations. Leur chef aurait besoin de se faire désirer davantage. Il répugnerait à une bataille de chiffonniers (ou de chansonniers) au sein du PS. Son attentisme serait une tactique arrêtée avec Martine Aubry.

Concernant cette dernière, la même carence de désir est patente. Martine Aubry le dit et le fait dire : elle fera le job de candidat comme elle a fait celui de patronne du PS. Tu parles d'un projet ! Ce n'est plus Martine à l'Elysée, c'est Martine à l'abattoir !

En réalité, nous pouvons, à ce stade, formuler une autre hypothèse : le peu d'enthousiasme des deux candidats socialistes s'explique aisément par la difficulté de la tâche. En réalité, si l'un et l'autre sont convaincus de la gravité de la situation française, ni l'un ni l'autre ne semblent persuadés de détenir les solutions permettant d'en sortir. Rigueur et relance semblent définitivement entrelacés dans le cerveau de nos dirigeants. Ils peuvent diverger sur le moment auquel la première doit succéder à la seconde. Ils peuvent aussi se distinguer sur le niveau de répartition de la rigueur entre classes populaires, moyennes et aisées. Mais leur vision du monde et leur raisonnement sont identiques. Ils leur soufflent que la tâche sera dure, infaisable même, tant l'idée, mise en une de l'Express la semaine dernière, est répandue parmi nos élites que le pays est ingouvernable, impossible à réformer.

Cette idée-là, nos leaders socialistes la partagent, hélas, avec Nicolas Sarkozy. Au fait, est-on si sûr que notre Président sera candidat ? Peu d'observateurs en doutent excepté Jean-Marie Le Pen qui aimerait l'emmener dans sa retraite et auquel il aurait dit, en le rencontrant, qu'il pouvait tout à fait envisager de faire un autre job que président. Il est vrai que cette saillie date du début du quinquennat. Comme les temps changent.... François Mitterrand a fait durer le suspens de sa candidature à un deuxième septennat le plus longtemps possible. Nicolas Sarkozy, lui, choisit aujourd'hui la méthode inverse : laisser entendre à tous que sa candidature ne fait aucun doute.

On dit de Sarkozy qu'il n'est jamais meilleur que dans l'adversité, que les obstacles stimulent ce tempérament conquérant. Le beau storytelling que voilà. En réalité, l'homme est l'un des plus plastiques que la république ait connu, prompt à changer de principes ou d'idées selon les tendances et les modes du moment. Prêt à à chaque instant au recul, même si la réforme des retraites laisse penser le contraire. Sans convictions profondes, le Président reste avant tout un joueur. Qui ne déteste rien de plus que de perdre. L'abattoir, ce n'est pas pour lui. S'il n'y croit pas suffisamment il renoncera.

En tout cas, la passion de gouverner a disparu de ce qu'il donne à voir de lui-même. Comme si, lui aussi, était gagné par cette idée qu'au XXI° siècle, la politique n'est plus grand chose face à l'économie. Faute de savoir penser

la France

dans la mondialisation, nos élites semblent découragées par l'absence de destin national qu'ils croient deviner dans nos actuelles tribulations. Le FMI ou l'Elysée ? Il y a photo pense DSK et sa famille l'encouragerait à rester à Washingtown. L'Elysée ou la présidence d'Areva ou d'un grand groupe ? Sarko n'a pas choisi, Carla oui. L'Elysée ou la bonne ville de Lille ? On devine le premier moins gratifiant depuis quelque temps...

Lors d'un récent plateau organisé par l'émission de France 3 « Semaine critique » de Franz-Olivier Giesberg, David Abiker faisait malicieusement remarquer qu'en matière de programme politique, les intellectuels étaient devenus plus prolixes que les politiques, ce qui se vérifiait ce soir-là en comparant l'assurance d'Emmanuel Todd à la prudence de Manuel Vals et de Bruno Le Maire.

Dans un livre qui paraît le 3 novembre (1), la ministre UMP Christine Lagarde et le socialiste Pascal Lamy se rejoignent pour appeler de leurs voeux « une gouvernance mondiale » qui mettrait le monde à l'abri des crises et des guerres. Ils ne sont ni les premiers ni les derniers à chantonner en esperanto un avenir radieux (ou, plus modestement, paisible) et mondialisé.

C'est un drôle de paradoxe : c'est au moment précis où la mondialisation marque le pas et que se manifeste le retour des nations, que l'appétit de pouvoir national diminue. Et s'efface au profit de l'émergence d'un intérêt général mondial bien hypothétique quand nous éprouvons tant de mal à conserver l'idée d'un intérêt général national ou européen.
 
(1) Pour une gouvernance mondiale. Entretiens avec Jean-Marc Vittori. Autrement."

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