NEGOCIEZ, MONSIEUR LE PRESIDENT

Editorial de Laurent Joffrin dans Libération ce jour

Négociez, monsieur le Président!

Illusions gouvernementales perdues. Les manifestations devaient s’essouffler : elles continuent. L’opinion devait se lasser : elle tient. Les syndicats devaient se diviser : ils font bloc. L’essence devait abonder : elle manque. Les lycéens devaient rester en classe : ils sont dans la rue. Le scénario de l’Elysée - un bras de fer de principe débouchant sur une acceptation plus ou moins tacite de la réforme - a été réfuté par un pays de plus en plus tenté par la révolte. Il suffit d’écouter la rumeur de la rue : du Fouquet’s à l’affaire Woerth, du bouclier fiscal à la déchéance de nationalité, ce sont trois ans de dérapages symboliques et de réformes injustes qui sont jetés dans la balance par les manifestants. L’antisarkozysme ne fait pas une politique. Il fait une protestation.

Il est temps de tenir compte de la volonté populaire. Il est temps de répondre à l’angoisse de l’avenir. Refus du changement ? Conservatisme ? En aucune manière : le pays est prêt à la réforme, à condition qu’elle soit juste. Il n’y a aucune honte à écouter la critique. Il n’y a aucune honte à amender un projet. Il n’y a aucune honte à discuter. Les centrales syndicales sont prêtes au dialogue. François Chérèque, pour ne citer que lui, a tendu une perche en proposant de repousser l’une des dispositions choquantes - les «67 ans» - après la prochaine présidentielle. Une piste parmi d’autres, tout est ouvert. L’ouverture n’est pas la déconfiture, la discussion n’est pas la reddition, la concession n’est pas l’humiliation. Négociez, monsieur le Président !